Résumé de la conférence du 15 octobre 2012 sur le thème « Dette, Traité, Austérité » à la Seyne/mer (salle Apollinaire).
Organisée par le CAC83 (Collectif varois pour un Audit Citoyen de la dette publique)
Intervenants du jour :
- Robert LAPORTE, Conseiller municipal à Allauch (Bouche du Rhône)
- André BERTRAND, Professeur d’économie à l’Université du Sud Toulon Var
20h, la salle se remplit petit à petit. Les collectifs habituels sont présents, ainsi que les visiteurs « sans étiquette », et 5 indignés !
Pour les absents, voici un petit résumé de ce qui s’est dit :
1) Le collectif commence par se présenter : le CAC83 s’est formé en janvier 2012 suite à l’opacité constatée sur la dette publique. Il s’agit d’un collectif citoyen, visant à faire la lumière au niveau local sur l’endettement public : son origine ? À quoi elle a servi ? Est-elle légitime ? Qui sont les responsables ?...
2) André BERTRAND introduit la conférence par quelques notions de vocabulaire en condamnant 3 termes couramment utilisés :
- « Science économique », il préfère parler de « politique économique » puisque l’économie, même si elle est présentée ainsi, n’est pas une science. Il insiste sur le fait que l’économie C'EST de la politique.
- Le terme « Crise » est issu du grec krisis (= jugement). Elle est donc le résultat de décisions humaines, de mauvaises décisions en l'occurence ! A.B. s’étonne que personne n’en parle, comme si ce qui dérange devait rester sous silence.
NB : Petit aparté, cela rappelle une récente émission « C dans l’air » ou l’un des intervenants visiblement peu décidé à questionner l’idéologie qu’il défendait, justifiait la situation économique des Etats-Unis par « la crise de 2007 leur était tombée dessus »... comme on glisse sur une peau de banane quoi ! Il oublie que la crise de 2007 avait été prédite, elle n’a rien d’hasardeuse…
- « Crédit » du latin créditum (= croyance), faisant donc référence à la confiance. Or la crise de 2007 sur les subprimes est l’antithèse de la confiance, puisque les banques, afin de préserver leurs activités en déclin, se sont mises à prêter à des familles à trop faibles ressources, tout en revendant le crédit sous une autre forme à d’autres banques. D’où formation d’une bulle financière. Où est la confiance, peut-on se demander ?
« Qui Paie ? Qui Reçoit ? »
André Bertrand insiste également sur la question : Qui paie ? Qui reçoit ?
Qui paie => le peuple
Qui reçoit => vérifions qu’il ne s’agisse pas d’un puits sans fond !
En parlant de puits sans fond, cela amène donc notre intervenant à aborder le Nième traité qui vient d’être signé par notre parlement sans aucun débat national, et censé sauver une fois de plus la zone euro : le TSCG « Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance », plus couramment appelé Pacte Budgétaire Européen…
Gros avantage constaté, il ne fait que 25 pages !
L’un des articles qu’il questionne, c’est le transfert de certaines prérogatives politiques des nations vers la commission européenne. A ce titre il nous renvoie par curiosité vers la page wikipédia sur la commission européenne qui, même sans être garante d’objectivité, évoque la présence des lobbies dans la composition de la commission :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Commission_européenne Les 27 commissaires sont généralement choisis au sein du parti majoritaire par les gouvernements des États membres. Nommés pour cinq ans ils forment un collège solidaire. Ils sont choisis en principe « en raison de leur compétence générale [...] et parmi des personnalités offrant toutes garanties d’indépendance » (article 17-3 du Traité sur l'Union européenne). Cependant, les commissaires restent issus des partis politiques nationaux au sein desquels ils ont effectué leur carrière politique et auxquels ils doivent leur nomination à la Commission. À l’issue de leur mandat de commissaire, ils retournent, en général, à la vie politique nationale15. Pour certains auteurs, cette indépendance est de plus limitée par leur ouverture aux intérêts des entreprises privées s’exprimant par l’intermédiaire des lobbies. Cela conduit la Commission à être influencée davantage par les lobbies des entreprises privées que par l’intérêt public16. Pour d’autres, la Commission joue un rôle « d’honnête intermédiaire » entre les différents intérêts représentés par les lobbies17. |
NB: Voici CEUX QUI vont chaque année valider ou pas nos budgets nationaux !!!
Ce n’est pas une mince décision que d’adopter ce traité ! Or le gouvernement, sûrement refroidi par le rejet du Traité Constitutionnel par référendum en 2005, a non seulement adopté en direct le TSCG par voie parlementaire, mais surtout sans aucun débat national… Un magnifique pied de nez à la Démocratie ! (du grec dêmokratía = pouvoir par le peuple)
Ce que André Bertrand reproche à ce traité, c’est que les choses sont faites à l’envers :
- Avant d’envisager un traité soumettant les gouvernements aux mêmes contraintes budgétaires, il aurait fallu harmoniser les fiscalités des différents pays. Or, rien dans ce domaine !!
- Le traité impose une limitation du déficit public à 0,5% dès 2013, ce qui est simplement impossible à respecter !
Ensuite, André Bertrand évoque l’expérience qu’il a vécue avec des lobbies. Il nous raconte avoir été invité par un groupe nommé « Liberty Funds » à participer à des conférences (rémunérées) pour parler d’économie avec d’autres intervenants de tous bords (Science Po, etc…). Le but étant de réfléchir à plusieurs sur certains thèmes économiques, et le ton était libre et sans consigne. Au bout de quelque temps, il s’est rendu compte que ce groupe « Liberty Funds » était en fait un groupe lobbyiste financé par des entreprises (certaines vont jusqu’à verser 5% de leur C.A.). Le but de ces conférences était de trier les différentes idées, de reprendre les arguments qui les intéressent, d’anticiper les arguments opposés, et ainsi maîtriser l’information. Il a arrêté ces conférences quand il a réalisé que ses interventions servaient aux lobbyistes.
Or ce sont ces mêmes groupes qui rodent dans les parlements, et qui conseillent les députés européens. Et on vient à travers ce nouveau traité, de remettre la gouvernance nationale entre leurs mains…..
3) Au tour de Robert LAPORTE d’intervenir, il est conseiller municipal de Allauch (13)
Avant d’aborder l’impact local de la politique d’austérité, Robert Laporte fait observer que ce traité TSCG dispose d’un budget de 120 milliards d’euros pour relancer la croissance. Parallèlement, plus de 1000 milliards peuvent être débloqués pour renflouer la finance et les insolvabilités bancaires ! Il s'étonne de cette différence de priorité dans le projet européen...
NB : Après recherche : 60 milliards via le MESF + 440 milliards via le FESF + 700 milliards via le MES (genre de FMI européen) = 1200 milliards ! Bref le budget pour la croissance semble n’être qu’une mesure dérisoire et hypocrite, obtenue pour laisser penser que les promesses sont tenues.
Robert Laporte nous explique les conséquences locales des mesures d’austérité actuelles :
- Il y a ce qui est visible : les écoles, les aménagements, les maternités, les hôpitaux, etc…
- Il y a ce qui est invisible pour la population : fonctionnement des administrations, subventions versées…
Or plusieurs compétences ont été ces dernières années transférées de l’état au local. Exemple : les routes, les cartes d’identités qui ne se font plus au commissariat de police mais en mairie, etc… Et les coûts ne sont pas forcément reportés !
R.L. nous rappelle aussi que les communes ont une interdiction de déficit. Et que 50% du budget de la municipalité provient de l’état au niveau national, le reste vient des prélèvements locaux. La suppression de la taxe professionnelle en 2010 a donc été un coup dur pour les collectivités.
Au final, la marge de manœuvre des collectivités, une fois le budget de fonctionnement établi, est très maigre.
Robert Laporte aborde également un sujet qui nous est cher, le recours des communes aux « emprunts toxiques ». Il se trouve que la tristement célèbre banque DEXIA est en situation de monopole au niveau local. Le scandale se situe du fait que le prêt est indexé sur le Franc Suisse, et non sur l’euro. Or les taux de change allaient forcément grimper. Ce détail n’aurait pas été expliqué par les « conseillers » financiers de la banque, seulement mentionné *EN PETIT sur le contrat.
Robert Laporte s’interroge aussi que le fait que les agences de notation se mettent à noter les services et biens d’état (hôpitaux…). Les municipalités bien notées peuvent ainsi obtenir des taux d’intérêt intéressants. Mais cela peut être la porte ouverte à la spéculation, et l'indépendance des agences peut être contestée.
Enfin, Robert Laporte voit d’un bon œil le fait que les citoyens se saisissent de la question de la dette publique, et souhaitent un Audit. Et c’est un élu qui dit ça !!
Il pense que cela peut avoir son importance, notamment dans le cadre des procès en cours contre la banque.
Un 3ème intervenant était prévu mais fut malheureusement absent.
4) Les organisateurs ont ensuite proposé au public des questions/réponses, dont voici brièvement les échanges :
Q : Pourquoi ne pas créer une banque municipale ?
Réponse de R.L. : Cela a existé (NB: les Crédit Municipaux ? Qui peut préciser ?). Ces banques s’alignaient aux taux de la Banque de France, jusqu’à la loi de 1973 sur la Banque de France (NB: et plus récemment l’Article 104 du traité de Maastricht, remplacé par l’article 123 du traité de Lisbonne). Bruxelles impose désormais que les banques se refinancent sur le marché privé, et non via la Banque Centrale.
Q : Comment l’état en est arrivé à un tel endettement ?
Réponse de A.B. : il faut savoir que 70% de l’argent créé est du crédit bancaire (NB: après vérification, c’est même plus de 92% en 2009 !!). La création monétaire c'est donc en grande majorité de la dette. Une baisse du crédit et c'est l'activité générale qui baisse.
Aux Etats-Unis, les prêts subprimes, qui ont pris de l’ampleur sous l’ère Bush II, consistent à prêter à des foyers qui ne pouvaient rembourser, afin de maintenir cette activité financière. Ces prêts toxiques étaient ensuite revendus à d'autres clients, dissimulés à hauteur de 1% au sein de lots de crédits divers. La bulle et la crise qui a suivi en sont la conséquence.
Pour Keynes, on ne peut laisser les marchés livrés à eux-mêmes. L’état doit jouer un rôle régulateur s'il veut optimiser l'économie. Lors de la précédente crise financière de 1929, Keynes a selon certains sauvé le capitalisme (NB: léger anachronisme j’ai l’impression, Keynes a été influant un peu plus tard). Mais sa théorie ne fonctionne pas à tous les coups, les conditions ne sont pas toujours présentes.
D’autre part, il faut savoir que les Etats-Unis est le pays le plus endetté, avec le Japon, la Grèce n'arrivant "que" troisième... (NB: effectivement ces 2 pays utilisent la planche à billet, la BCE ne peut pas. D'où la crise que la Grèce traverse)
Q : Pourquoi personne n’ose stopper la spirale de l’endettement ?
Réponse de A.B. : « Tant que l’orchestre joue, il faut danser » dit-on dans le milieu de la finance…
Q : Quel rôle a eu la loi de 1973 ? (Loi « Pompidou »)
Réponse de A.B : on s’est enlevé des variables d’ajustement. Les escomptes auprès de la Banque de France ne sont plus possibles.
Q : La France a un patrimoine important. Est-elle vraiment endettée ?
Réponse de A.B : Par exemple l’ISF est un impôt contestable car le patrimoine n’est pas évaluable tant qu’il n’a pas été vendu. Le patrimoine de la France peut donc difficilement être mis dans la balance. Combien coûte la Tour Eiffel ?
Q : Pourquoi ne pas dévaluer l’Euro ?
Réponse de A.B : Les allemands seraient contre, les Grecs seraient pour. Traditionnellement les allemands font peu d’inflation, la France un peu plus, et la Grèce beaucoup plus. Le Traité veut nous faire changer les mentalités, et les niveler.
Q : Quelle tournure va prendre l’endettement local ?
Réponde de R.L : Une commune ne peut emprunter pour son fonctionnement. Elle ne peut fonctionner uniquement sur les prélèvements d’impôts. Si les dotations baissent par rapport aux politiques locales, cela va se traduire par exemple par le non remplacement des départs à la retraite, par la délégation de certains services publics au privé, etc...
5) La soirée se termine par quelques interventions du public afin que chacun partage son point de vue. Voici quelques commentaires retenus :
- « Le traité Merkozy montre l’impuissance des politiques. On voudrait voir le monde tel qu’on souhaiterait qu’il soit. Alors qu’ils devraient se faire violence et voir le monde tel qu’il est. Comment faire appliquer ce traité alors l’Allemagne et la Grèce ont des inflations incompatibles ? »
- « Guizot disait il y a 150 ans "enrichissez-vous". L’Europe aurait-elle 150 ans de retard ? »
- « Pourquoi ne pas aller chercher l’argent dissimulée dans les surprofits ? Le débat sur l’Euro n’est-il pas biaisé ? Et la signature de ce traité est-elle justifiée ? »
- Notre LP en a profité pour informé l’auditoire du pique-nique / conférence / concert que nous organisons le 24 novembre. GC avait au préalable assuré « comme un fou » en tractant à l’entrée
6) Conclusion d’Henri du CAC83 : « nous avons tout intérêt à décortiquer la note à la fin du repas ». Deux raisons : cela a un effet démocratique et nous replace en citoyen responsable. Il s’agit aussi de gratter la légitimité des dettes que l’on a à payer au niveau local, pour ensuite intervenir au niveau national.
NB: Merci au CAC83 pour avoir organisé cette conférence. Nous nous attendions peut-être à une plus grande participation, preuve finalement que beaucoup danseront tant que l’orchestre jouera….
Nous avons essayé de retranscrire la conférence le plus fidèlement possible. Si toutefois vous constatez un décalage ou des approximations avec ce qui a été évoqué, merci de nous en informer.
OY
PS: Pour illustrer tout ça, si vous avez encore un peu d'attention , un article de Joseph E. Stiglitz « Prix Nobel » d'économie en 2001 : L’euro peut-il être sauvé ?